Acteurs et réseaux de la musique imprimée aux XVIe et XVIIe siècles. Étude des épîtres dédicatoires des livres de musique vocale imprimés à Anvers et à Louvain entre 1540 et 1630
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Doctorante : Romane MASSART
Directrice de thèse : Émilie CORSWAREM
Mandat d'aspirant F.R.S.-FNRS (2023-2027)

L’objectif de cette thèse est de contribuer à une meilleure connaissance des acteurs et des réseaux du marché de la musique imprimée dans les anciens Pays-Bas méridionaux aux XVIe et XVIIe siècles, à travers l’étude des épîtres dédicatoires des livres de musique vocale imprimés à Anvers et Louvain entre 1540 et 1630.

Les anciens Pays-Bas méridionaux, et plus particulièrement les villes d’Anvers et de Louvain, occupent une place notable dans l’histoire pluricentenaire de l’imprimerie et de l’édition musicale européenne. En effet, elles constituent, aux côtés de villes telles que Venise, Rome ou Paris, les centres majeurs d’impression musicale du XVIe siècle, qui se démarquent tant par leur activité intense que par leur renommée et/ou leur longévité. Si l’histoire de l’imprimerie musicale est désormais bien établie au travers de nombreuses recherches menées depuis plusieurs décennies sur les différents centres d’impression européens, il n’en va pas de même pour la pratique dédicatoire. Pourtant, celle-ci est déjà à l’œuvre dans l’Harmonice Musices Odhecaton A (Venise, Ottaviano Petrucci, 1501) considéré aujourd’hui comme le premier imprimé de musique polyphonique. Petrucci dédie son ouvrage à Girolamo Donato, noble, diplomate et humaniste vénitien. Dans les anciens Pays-Bas, l’un des premiers recueils polyphoniques imprimés, les Vingt et six chansons musicales & nouvelles a cincq parties (Anvers, Tielman Susato, 1543), est dédié à Marie de Hongrie, gouvernante des Pays-Bas.

L’essor du nouveau marché de l’imprimerie musicale coïncide donc avec l’émergence et la systématisation de la pratique dédicatoire, qui consiste notamment à remercier un mécène pour sa protection et/ou son soutien financier, ou à attirer son attention afin d’obtenir ses faveurs. En effet, dans un contexte où, pour faire carrière et assurer leur subsistance, les compositeurs sont contraints de se lier à un haut personnage ou à une institution (qu’elle soit religieuse ou liée au pouvoir en place), l’épître dédicatoire constitue un véritable outil médiatique et économique, tant pour les compositeurs que pour leurs mécènes.

Or, bien que les épîtres dédicatoires s’intègrent presque systématiquement à l’appareil paratextuel des imprimés musicaux de la période moderne, ces dernières ont longtemps suscité un intérêt moindre que celui porté à la musique qu’elles précèdent. Les caractéristiques inhérentes à ces textes sont autant de facteurs ayant contribué à leur déconsidération : leur nature formelle, codifiée, obligée et apologétique a souvent dissuadé les chercheurs de considérer ces productions littéraires autrement que comme de simples hommages rémunérés. Pourtant, la dédicace est aussi, voire surtout, une pratique, un geste et un discours qui interagit avec la société au sein de laquelle elle s’inscrit et dont elle constitue, à plusieurs niveaux, une véritable clé de lecture. L’étude approfondie et à grande échelle de ces écrits devrait permettre de produire une histoire innovante de la musique imprimée dans les anciens Pays-Bas à l’époque moderne, en rendant possible une meilleure compréhension des impératifs formels qui conditionnent les dédicaces, mais également en fournissant un nouvel éclairage sur les acteurs et les réseaux intervenant dans la production, la diffusion et la réception de la musique vocale imprimée.

 

Omnia excussa in potestatem Societatis. Production imprimée et stratégies éditoriales de la Compagnie de Jésus dans la province Gallo-Belgique (ca. 1550-ca. 1650)
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Doctorant : Emile THONAR
Directrice de thèse : Annick DELFOSSE
Mandat d'aspirant F.R.S.-FNRS (2023-2027)

L’objectif de cette thèse de doctorat consiste à étudier les stratégies et les pratiques mises en œuvre par la Compagnie de Jésus pour s’insérer dans l’écosystème-livre de la province jésuite Gallo-Belgique (ca. 1550-ca. 1650). L’activité littéraire des jésuites dans les Pays-Bas est bien connue : ceux-ci considèrent l’écriture et la publication comme une forme d’apostolat en soi. En outre, la mission d’enseignement assumée par la Compagnie engendre une immense demande en ouvrages de référence et manuels scolaires. Ainsi, les jésuites ont, à bien des égards, été d’importants partenaires des milieux du livre dans les Pays-Bas et ont largement contribué à y stimuler le marché de l’imprimé.

La publication et l’approvisionnement en livres nécessitent de se constituer puis de s’appuyer sur un réseau solide de mécènes locaux et de gens du livre : ce sont ces mécanismes réticulaires et éditoriaux que nous proposons d’étudier. En effet, malgré les liens évidents qui semblent pouvoir être établis entre la Compagnie de Jésus et ces milieux, seules quelques études exploratoires ont été consacrées à cet écosystème. Ces initiatives, se limitant souvent à un inventaire des auteurs majeurs de la Compagnie dans les Pays-Bas ou de leurs œuvres marquantes, ne viennent toutefois pas combler le manque d’études globales de leur rapport au monde de l’édition.

Le cœur du corpus mobilisé pour ce travail est composé des livres rédigés par des jésuites et imprimés dans les villes de la province gallo-belge (environ 1300 éditions). Une analyse quantitative en sera proposée, couplée à un examen rigoureux de leurs paratextes (dédicaces, épîtres au lecteur, illustrations). En outre des documents d’archives provenant des collèges, des gens du livre ou des jésuites eux-mêmes (registres de donation, correspondances) seront mobilisés afin de recomposer les réseaux activés lors de l’édition. Enfin, nous aurons recours aux sources portant sur la législation du commerce et de la production de livres (permissions et privilèges civils et religieux, mais aussi censurae internes à l’ordre). Ces dernières offriront un point de vue inédit sur les négociations régissant les choix éditoriaux relatifs aux publications jésuites. La diversité des sources consultées permettra d’examiner chaque étape du processus d’édition des livres et de constitution du réseau jésuite. In fine, la prise en compte des différentes composantes de cet écosystème éditorial ainsi que des individus impliqués permettra de jeter un regard nouveau sur les stratégies déployées par la Compagnie de Jésus pour mener à bien son apostolat dans la province Gallo-Belgique.

Diplomatie formelle et informelle entre la République de Venise et les sultanat mamelouks du Caire au Moyen Âge tardif : étude prosopographique des acteurs étatiques et privés (XIVe-XVIe s.)
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Doctorant : Michele ARGENTINI
Directeurs de thèse : Isabella LAZZARINI et Frédéric BAUDEN
Institution partenaire : Università Alma Mater di Bologna
Boursier de doctorat du projet EOS DiplomatiCon (2023-2027)

Cette thèse de doctorat est réalisée dans le cadre  du projet de recherche international DiplomatiCon (projet EOS n°40007541), dont l'objectif est de retracer l'histoire des contacts entre puissances chrétiennes et musulmanes au Moyen Âge tardif. Le projet se concentre sur les acteurs les plus importants de cette période : les villes-états italiennes et le royaume d'Aragon du côté chrétien et le sultanat mamelouk du Caire du côté islamique. Six thèses de doctorat sont en cours dans le cadre du projet (trois à l’ULiège et trois à l’UAntwerpen).

Cette thèse-ci s’intéresse à la République de Venise et à son réseau diplomatique en Méditerranée orientale, en particulier en relations avec les Mamelouks, de la fin du XIVe siècle à la fin du sultanat du Caire en 1517. Venise était l'acteur le plus important de la Méditerranée orientale au Moyen-Âge tardif, elle a acquis d'énormes quantités de richesses grâce au commerce avec le Levant et elle a également été très active dans le transport de marchandises et de personnes dans la région. Cette importante implication commerciale vénitienne — du Caire à Alexandrie, en passant par Beyrouth, Tripoli et Damas — nécessitait des interactions constantes avec les autorités mameloukes. Divers agents nommés par l'État — ambassadeurs, consuls et capitaines de navires — étaient, avec les marchands, les acteurs de ces relations au quotidien. Les acteurs étatiques étaient les conseils dirigeants de la République, à savoir le Grand Conseil, le Sénat et le Conseil des Dix.

L'objectif de ce projet est de reconstruire la structure multicouche de la diplomatie vénitienne, à la fois dans le temps et dans l'espace, en analysant les deux perspectives : celle des agents privés et celle des acteurs étatiques, cette distinction étant parfois toute théorique, diplomatie formelle et informelle se confondant régulièrement. La dynamique complexe des relations entre Venise et les Mamelouks et la manière dont celles-ci se sont développées au fil du temps pourront dès lors être identifiées et décrites. Les sources étudiées dans le cadre de cette thèse sont à la fois institutionnelles et privées. La plupart d'entre elles sont conservées dans les Archives et les Bibliothèques de Venise. Des chroniques et des journaux personnels contemporains, rédigés par des auteurs comme Antonio Morosini, Domenico Malipiero, Marin Sanudo et Girolamo Priuli, feront également l'objet d'une étude approfondie.

La reconstruction de la diplomatie vénitienne en Méditerranée orientale se fera en rassemblant les informations recueillies dans les différents types de sources mentionnés ci-dessus, en mettant en évidence la nature entrelacée, formelle et informelle, des agents vénitiens, leurs rôles, leurs connexions, l'étendue de leurs réseaux et leurs modes d'interaction, composant ainsi la première étude prosopographique des agents diplomatiques de Venise.

Acteurs et agents de la diplomatie de la Couronne d’Aragon en Méditerranée du XIIIe au XVIe siècles
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Doctorante : Queralt PENEDÈS FRADERA
Directeurs de thèse : Roser SALICRÙ I LLUCH et Frédéric BAUDEN
Institution partenaire : Universitat de Bercelona
Boursière de doctorat du projet EOS DiplomatiCon (2023-2027)

DiplomatiCon – Une histoire connectée de la diplomatie méditerranéenne médiévale (XIVe-XVe siècles) (projet EOS n°40007541) cherche à rompre avec le récit dominant selon lequel la Méditerranée a été divisée en deux au cours de l’histoire : la Méditerranée musulmane et la Méditerranée chrétienne. Ce récit a été influencé par les historiographies nationales, qui ont eu tendance à créer des frontières et à accentuer les différences entre des espaces initialement connectés. DiplomatiCon s’affranchit de cette vision antagoniste de l'histoire de la région méditerranéenne, en proposant le tout premier exemple d’une histoire de la diplomatie qui reflète véritablement le contexte médiéval tardif des interactions et des échanges entre les mondes islamique et chrétien. Le projet se concentre sur les trois acteurs les plus importants du monde médiéval tardif : le sultanat mamelouk du Caire du côté islamique et, du côté chrétien, les villes-états italiennes ainsi que la Couronne d'Aragon.

Dans le cadre de DiplomatiCon, l'objectif de cette thèse est d’étudier les acteurs et agents des relations entre la Couronne d'Aragon et l'Égypte mamelouke. Cette recherche s’occupera d’une période allant de la fin du XIIIe s. Jusqu’à la fin du XVI siècle, concentrera sur le XIVe siècle, et plus particulièrement sur les règnes de Jacques II (1291-1327) et de Pierre III le Cérémonieux (1336-1387), feront l’objet d’une attention plus grande.

Se concentrer sur les acteurs et agents des contacts tout au long du XIVe siècle permettra de mieux comprendre les liens entre les deux mondes et de démontrer que les relations diplomatiques en Méditerranée allaient au-delà des différences religieuses. L'objectif principal est d'identifier le réseau d'acteurs et d'agents qui ont entretenu les relations diplomatiques des deux côtés de la Méditerranée et de comprendre la façon dont celles-ci étaient organisées, leurs rôles et caractéristiques respectives.

Traducteurs et courtiers au service des activités diplomatiques de la Couronne d'Aragon en Méditerranée aux XIVe-XVe siècles
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Doctorante : Marta MANSO RUBIO
Directeurs de thèse : Roser SALICRÙ I LLUCH et Frédéric BAUDEN
Institution partenaire : Universitat de Bercelona
Boursière de doctorat du projet EOS DiplomatiCon (2023-2027)

Les contacts diplomatiques entre la Couronne d'Aragon et le Sultanat mamelouk du Caire (1250-1517) ont historiquement attiré l'attention des chercheurs, au point qu'une perspective générale des relations diplomatiques entre les deux puissances politiques peut être esquissée et qu'une vaste documentation attestant de ces contacts a déjà été publiée. Cependant, les recherches se sont généralement concentrées sur les contenus et les résultats de ces échanges plutôt que sur les agents impliqués.

C'est pour cette raison que, dans le cadre du projet de recherches EOS DiplomatiCon (n°40007541), cette thèse se concentrera sur les traducteurs, interprètes et courtiers impliqués dans les échanges diplomatiques entre le Sultanat mamelouk du Caire et la Couronne d'Aragon, principalement durant les règnes de Jacques II et de Pierre III le Cérémonieux (1291-1387), la période la plus prolifique en termes de relations diplomatiques entre les deux puissances et celle où les fondements de ces relations ont été posés. Le processus de traduction inhérent à ces contacts, ses implications et sa signification, tant en termes linguistiques que culturels, seront également étudiés.

Cette thèse s'intéressera à la manière dont ces agents traducteurs apparaissent dans les sources documentaires, en termes de catégories sociales et professionnelles, en menant une véritable enquête prosopographique, visant à préciser leurs identités, origines, environnements et réseaux. Par ailleurs, l'étude du processus de traduction se concentrera non seulement sur les termes linguistiques de ces traductions, mais aussi sur la transposition culturelle de ceux-ci et sur leurs contextes sociaux et juridiques, dans une approche innovante inédite. Enfin, il s'agira de mettre en lumière le rôle des traducteurs, interprètes et courtiers dans la configuration et le développement des échanges diplomatiques entre le Sultanat mamelouk du Caire et la Couronne d'Aragon, dans le contexte plus large de la Méditerranée du Moyen Âge tardif.

 

Échanges de cadeaux entre Florence et Ferrare
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Doctorant : André ROCCO
Directrice de thèse : Laure FAGNART
Université de Liège, Mandat d'aspirant F.R.S.-FNRS (2023-2027)

Étude de la pratique du don diplomatique entre les cours de Florence et de Ferrare dans la seconde moitié du XVIe siècle (1569-1598)

Cette thèse se concentre sur la question de l’utilité politique du don à une période de faible formalisation des relations internationales : le XVIe siècle italien. À cette époque, l’échange de cadeaux est une pratique abondamment utilisée dans la sphère diplomatique. Son usage est reconnu comme un outil indispensable : il permet d’entrer en communication, facilite les négociations, forge les alliances… mais il doit être manié avec grand soin au risque de totalement passer à côté de l’effet escompté. La gamme des cadeaux est alors vaste : on échange de précieuses œuvres d’art, réalisées parfois par des artistes de renom (peintures, sculptures, pièces d’orfèvrerie…), des livres, du parfum, des animaux et même de la nourriture. Or, ces « objets » ne sont pas de simples accessoires périphériques mais bien de puissants agents de médiation de l’action diplomatique.

Ce projet repose sur le postulat que les rapports entre les cours italiennes du XVIe siècle impliquent tant les biens que les hommes. Analyser conjointement le rôle des objets et celui des acteurs se révèle donc essentiel pour mieux comprendre la pratique du don et, par-là, les liens diplomatiques qui se nouent entre les princes et les cités du temps. Trois axes principaux structurent la recherche : les acteurs de la pratique, les circonstances précises de l’acte de donation, la nature du don.

Cette approche est mise à l’épreuve en se focalisant sur les relations réciproques entre Florence et Ferrare dans la seconde moitié du XVIe siècle (1569-1598). Les deux principautés, dirigées respectivement par les Médicis et les Este, se révèlent en effet de parfaites candidates pour examiner la pratique du cadeau diplomatique : depuis le XVe siècle, les princes de ces états usent des ressorts de la diplomatie culturelle, dépêchant artistes et artisans, œuvres et objets d’art à d’autres gouvernants. La période choisie est, en outre, particulièrement propice : les échanges entre les deux principautés sont alors d’une grande intensité puisque se prépare l’union entre César d’Este et Virginie de Médicis dont le mariage est célébré en 1586. Par ailleurs, les correspondances des envoyés diplomatiques de Florence et de Ferrare – les sources au cœur de ce travail – sont conservées en abondance, d’une part à l’Archivio di Stato di Firenze, d’autre part à l’Archivio di Stato di Modena. Ce corpus, enfin, a l’avantage d’être inédit. 

Plurilinguisme, récits de voyage et mises en prose de chansons de geste (XVe siècle)
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Doctorante : Sandra OTTE
Directrice de thèse : Nadine HENRARD
Université de Liège, bourse de doctorat en sciences humaines

Langues et identités dans les récits de voyage et les mises en prose des chansons de geste du XVe siècle : révéler le personnage babélien

Le plurilinguisme est un terrain fécond pour la recherche, que ce soit en linguistique ou en littérature, et a suscité l’intérêt de plusieurs médiévistes. Si le rapport diglossique entre langue savante et langue vulgaire, les textes plurilingues ou encore les problèmes d’intercompréhension et de communication évoqués dans les œuvres médiévales ont fait l’objet de plusieurs études, la question de l’identité linguistique dans les récits du Moyen Âge semble beaucoup moins abordée par les chercheurs.

Notre projet de thèse a dès lors pour objectif d’étudier la représentation littéraire du rôle joué par les langues et par la rencontre avec l’altérité dans la construction identitaire, à travers l’étude du plurilinguisme tel qu’il peut se manifester entre certains protagonistes de la littérature française tardo-médiévale. Notre travail porte plus spécifiquement sur les récits de voyage et les mises en prose de chansons de geste du XVe siècle, période de mutations qui a hérité des premières réflexions sur les langues vernaculaires et qui conduira à la Renaissance française du XVIe siècle.

Après avoir développé une réflexion autour des notions de plurilinguisme, de multilinguisme, d’identité et d’altérité en les considérant dans le contexte du XVe siècle, nous souhaitons ainsi décrire les situations de plurilinguisme qui se présentent dans les récits étudiés et observer dans quels cadres les protagonistes sont confrontés à une langue qui n’est pas la leur. Loin de nous limiter aux problèmes d’intercompréhension, nous voulons voir si la rencontre avec l’Autre et les langues de l’Autre implique des mécanismes identitaires chez l’individu en tant que personne et en tant que membre ou représentant d’un groupe (ethnique, social, etc.). Par cette étude, nous désirons donc montrer non seulement comment le personnage polyglotte ou confronté à un autre idiome est représenté dans les textes envisagés, mais aussi comment la langue devient progressivement un élément déterminant dans la définition identitaire de l’individu ou du groupe en cette période charnière qu’est le XVe siècle.

De modis musicis antiquorum
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Doctorante : Mathilde KAISIN
Directrices de thèse : Émilie CORSWAREM et Marie-Hélène MARGANNE
Mandat d'aspirante F.R.S.-FNRS (2021-2025)

« Aux origines de la Renaissance de la littérature musicale antique : édition critique, traduction française et commentaire du De modis musicis antiquorum (1567-1573) de Girolamo Mei »

L’objectif de ma thèse est de fournir une édition critique du De modis musicis antiquorum de Girolamo Mei, un traité fondateur de la pensée humaniste musicale. Mon but est également d’en proposer une traduction française et un commentaire, tous deux inédits.

Philologue et humaniste florentin du XVIe siècle, Girolamo Mei (1519-1594) joue un rôle majeur dans la redécouverte des théories musicales antiques à la Renaissance. Il s’intéresse notamment aux pouvoirs expressifs des modes grecs sur l’âme humaine (théorie de l’ethos), un sujet qui restera central dans une série de cénacles intellectuels à la charnière des XVIe et XVIIe siècles. Au fil de ses nombreuses comparaisons entre la musique ancienne et la musique moderne, Mei parvient à la conclusion que la musique antique, d’essence monodique, était capable de susciter sur l’âme humaine des « merveilleux effets » et d’« émouvoir les passions », ce que la polyphonie de son temps est incapable de faire. Girolamo Mei peut être considéré comme le père spirituel de la Camerata fiorentina, où les idées musicales novatrices du De modis seront amplement diffusées par l’intermédiaire de Vincenzo Galilei, qui en tire la substance de son célèbre Dialogo della Musica Antica e Moderna (1581). La pensée de Mei aura un rôle déterminant dans la révolution musicale qui s’amorce en Italie à la fin du XVIe siècle, et qui mènera, parmi de multiples facteurs, à l’émergence de l’opéra baroque.

Nonobstant son impact considérable sur les idées musicales de son temps, le De modis de Mei a  suscité très peu d’intérêt jusqu’ici au sein de la communauté scientifique, qu’il s’agisse de celle des musicologues ou de celle des philologues. L’enjeu de ma thèse est notamment d’étudier comment la redécouverte des théories musicales antiques a influé sur les conceptions esthétiques de Mei en matière musicale. Méthodologiquement, un examen du De modis sous un double angle d’approche, indissolublement philologique et musicologique, s’avère indispensable. L’étude philologique de l’œuvre constitue ainsi le point de départ d’une réflexion musicologique plus large, qui permettra de sortir de l’ombre ce traité, dont l’impact historique fut inversement proportionnel à l’intérêt que la communauté scientifique lui a porté jusqu’à ce jour.

Martyr et anti-martyr dans l’œuvre de Théodore de Bèze (1519-­1605)
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Doctorant : Aurélien BOURGAUX
Directrice de thèse : Annick DELFOSSE
Université de Liège, Bourse FRESH (2020-2024)

Au sein des confessions protestantes dans l’Europe du xvie siècle, le discours martyriel devient un enjeu de construction identitaire des Églises. Il occupe ainsi une place essentielle dans la littérature de combat à l’égard de l’Église romaine, mais aussi vis-à-vis des protestants marginaux rejetés par la Réforme magistérielle. Or si une vaste historiographie s’intéresse à la question du martyre protestant, il apparaît que la recherche s’est majoritairement concentrée à ce jour sur un corpus de sources clairement défini, les martyrologes, vastes compilations de récits de martyres. Toutefois, la production martyrographique s’étend bien au-delà de ces recueils : on en trouve mention dans toutes sortes de sources (poèmes, traités théologiques, correspondance, emblèmes, etc.). L’intérêt de cette documentation à la typologie variée réside pour partie dans l’antériorité de certaines pièces aux martyrologes, mais aussi dans le discours martyriel moins normalisé qu’elles délivrent. Parmi ces textes, ceux de Théodore de Bèze (1519-1605), humaniste français converti à la Réforme et réfugié à Genève, occupent une place de choix en raison de la longévité de cet auteur prolifique et de la diversité de son œuvre. 

Cette thèse porte donc sur les discours martyriels et anti-martyriel dans et autour de l’œuvre poétique, littéraire et épistolaire de Bèze. Il s’agit d’en retracer l’évolution au cours de la vie du réformateur, afin d’interroger à nouveaux frais la chronologie de la martyrographie réformée sur toute la seconde moitié du xvie siècle. 

Ce projet doctoral fait l’objet d’une cotutelle entre l’Université de Liège et l’Université de Genève (Institut d’histoire de la Réformation). Propulsé par une bourse du Fonds pour la Recherche Scientifique (FRESH) du FNRS, il se mène également en collaboration avec différents acteurs sociétaux, principalement le Réseau de prise en charge des extrémismes et des radicalismes violents de la FW-B ; cette collaboration doit mener à la production d’un dossier pédagogique sur une sélection de motifs martyriels, en s’appuyant tant sur des exemples contemporains que passés.

 

Une autre foi, une autre France. Les libelles imprimés par les catholiques zélés durant les guerres de Religion (1585-1629)
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Doctorant : Alexandre GODERNIAUX
Directrice de thèse : Annick DELFOSSE
Bourse FRESH (2019-2023)

Une autre foi, une autre France. Les libelles imprimés par les catholiques zélés durant les guerres de Religion (1585-1629) part de l’hypothèse selon laquelle il est possible d’écrire une autre histoire des guerres de Religion françaises, conflits dont l’essence est l’affrontement armé entre catholiques et protestants et dont l’historiographie classique situe le terme définitif en 1598 à la faveur l’édit de Nantes. Elle entend montrer que cette période troublée mais extrêmement riche a aussi connu le conflit à l’intérieur de la mouvance catholique, à travers l’écrit et sans rupture majeure entre 1585 et 1629. Ces recherches doctorales ont par conséquent poursuivi le triple objectif de faire un pas de côté par rapport au récit classique des guerres de Religion, de reconstituer une intense guerre de papier mais aussi de cerner l’action et l’identité d’un groupe méconnu : les catholiques zélés.

Dédiée à des libelles, courts documents généralement imprimés, cette thèse part des textes pour y revenir sans cesse : à la confluence de l’histoire de la pensée politique, de l’analyse du discours et de l’analyse des réseaux, elle montre quelles ressources textuelles ont été mobilisées afin de défendre quelles idées, et quels liens il est possible de tisser entre ces pratiques et le contexte politique reconstitué le plus finement possible. 319 libelles sont étudiés à travers quatre chapitres dont les premiers correspondent à trois pics de production de ce type d’écrits : la Ligue (1585-1594), la fin de la minorité de Louis XIII (1614-1615) et les guerres de Rohan (1620-1629). Un quatrième et dernier chapitre, dédié à l’arsenal discursif des libellistes zélés, étudie une sélection des processus textuels les plus significatifs de l’activité polémique catholique durant les guerres de Religion.

Cette thèse met en lumière la richesse d’un discours et l’action d’un groupe social, politique et religieux spécifique. Elle identifie une série de procédés discursifs (amalgame des adversaires, polarisation par exclusion de l’ennemi, jeu sur la menace, exploitations variées des techniques de mise en page et des frontières entre politique et fiction…) et d’idées (soumission du roi à Dieu, nécessité d’une guerre contre l’hérésie, inscription des conflits du présent dans une histoire sainte…) propres aux catholiques zélés. À travers ces résultats, cette thèse précise la complexité, la richesse et la fécondité des conflits politico-religieux de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle. Elle contribue aussi à démontrer le caractère multiple du camp catholique à cette époque en identifiant précisément les ressorts par lesquels, au sein de cette mouvance, un groupe se constitue discursivement contre d’autres.

Jury de la soutenance : Monsieur François Provenzano (Président, ULiège), Madame Annick Delfosse (Secrétaire et Promotrice, ULiège), Madame Violet Soen (Hoofddocent, KULeuven), Madame Tatiana Debbagi Baranova (Maîtresse de conférences, Sorbonne Université), Monsieur Denis Crouzet (Professeur émérite des Universités, Sorbonne Université).

Madrigal italien
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Doctorant : Frédéric DEGROOTE
Directrices de thèse : Émilie CORSWAREM et Anne-Emmanuelle CEULEMANS
Institution partenaire : Université catholique de Louvain
Bourse FRESH (2017-2021)

Spécificités et caractères cultivés dans le madrigal italien des anciens Pays-Bas méridionaux (1581-1603)

Cette recherche vise à étudier le répertoire du madrigal italien publié à Anvers par des compositeurs des anciens Pays-Bas méridionaux entre 1581 et 1603, à l'heure où le genre se voit consacrer des anthologies et des recueils consommés et produits en nombre. En dépit de cet important corpus produit au Nord, la majorité des travaux se sont jusqu'ici essentiellement focalisés sur la production madrigalesque italienne. Il s'agit dès lors dans ce projet de s'interroger sur l'existence et les éventuelles caractéristiques d'un madrigal spécifique aux anciens Pays-Bas. L'objectif est d'une part de mieux cerner l'appropriation par les compositeurs issus de ces régions d'un répertoire polyphonique profane éminemment italien où texte et musique entrent en résonance et d'autre part de mettre à jour un riche patrimoine « belge » à ce jour encore peu connu tant des musicologues que des musiciens. L'étude de plusieurs recueils figurent au centre de cette étude : ceux de Séverin Cornet (1581), de René del Mel (1588), de Jean de Turnhout (1589), de Jean Desquesnes (1594) et de Cornelis Verdonck (1603). Cette recherche, à la dimension à la fois éditoriale, analytique et archivistique, tentera ainsi de mieux comprendre comment ces compositeurs ont manipulé un langage musical qu'ils n'ont souvent connu qu'indirectement — la plupart n'étant pas passés par l'Italie — mais qui constituait l'un des éléments du paysage sonore où évoluait la population anversoise d'alors.

Dataires apostoliques de Léon X
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Doctorante : Eva TRIZZULLO
Directrice de thèse : Dominique ALLART
Bourse du F.R.S.-FNRS (2017-2021)

Des hommes de l'ombre omnipotents sur la scène artistique : les dataires apostoliques de Léon X, et leur impact sur la Haute Renaissance romaine

Cette thèse a pour ambition de révéler le rôle des dataires apostoliques de Léon X (1513-1521) dans les dynamiques artistiques de leur temps, à la fois comme auxiliaires du pape chargés de mettre en œuvre sa politique culturelle et artistique, mais également comme commanditaires pour leur propre compte. Les prélats toscans Lorenzo Pucci, Silvio Passerini, Latino Benassai et Baldassarre Turini partageaient de nombreux points communs, et notamment leur dévouement aux Médicis, qui leur valut d'obtenir ce poste très convoité de dataire. En cette qualité, ils furent en contact avec les plus grands artistes du temps – Léonard de Vinci, Raphaël, Giulio Romano, Baccio Bandinelli, Le Parmesan... – et supervisèrent des commandes aussi importantes que la décoration des Stanze du Vatican ou la réalisation des mausolées des papes de la famille Médicis à Santa Maria sopra Minerva. Ces hommes de l'ombre chargés de la gestion d'une partie des ressources financières de la curie romaine avaient l'avantage d'être « sur le terrain », en contact direct avec les architectes, peintres et sculpteurs sollicités. Ils surent profiter des pouvoirs que leur conférait leur fonction pour employer les meilleurs artistes à leur propre service, devenant ainsi eux-mêmes des mécènes prestigieux, dotés d'une autorité considérable. Ce faisant, ils contribuèrent significativement à la prééminence toscane qui caractérisa la vie culturelle romaine sous les papes médicéens. Presque complètement ignoré par la critique, le rôle crucial de ces hommes de l'ombre dans les productions artistiques les plus remarquables de la Renaissance romaine demande à être précisé. L'abondante documentation archivistique disponible pour ce faire est restée largement inexploitée. Cette thèse, associant l'étude des monuments et des œuvres à celle des sources écrites, permettra de jeter un éclairage tout à fait inédit sur l'une des phases les plus brillantes de l'histoire de l'art occidental.

Sandro Botticelli et la marqueterie
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Doctorante : Lucia AQUINO
Directrice de thèse : Dominique ALLART
Université de Liège, Bourse non-FRIA (2016-2020)

Sandro Botticelli et la marqueterie au temps de Laurent le Magnifique. Des arts mineurs aux arts majeurs et retour

Les peintures de Sandro Botticelli (1445-1510) sont de véritables icônes de l'art italien de la Renaissance. En revanche, les modèles que le célèbre artiste a fournis pour d'importants chantiers de marqueterie et sa collaboration avec des menuisiers de renom comme Giuliano da Maiano, par exemple, restent des facettes peu connues de son activité. La présente étude vise à les mettre en lumière. Il s'agira par là même de réévaluer le mode de fonctionnement des grands ateliers du Quattrocento, sur la base de documents d'archives jusqu'ici inédits, ce qui conduira aussi à reconsidérer la question des rapports entre « arts majeurs » et « arts mineurs » à la Renaissance. Il apparaît en effet ces derniers ont joué un rôle non négligeable dans l'élaboration du canon artistique moderne européen.

Philippe le Hardi et la diplomatie
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Doctorant : Sébastien DAMOISEAUX
Directeur de thèse : Alain MARCHANDISSE
Université de Liège, Bourse non-FRIA (2016-2020)

Vecteurs et rouages de la diplomatie du duc de Bourgogne Philippe le Hardi (1363-1404)

Ce projet de doctorat participe du regain d'intérêt actuel pour l'histoire des pratiques diplomatiques des XIVe-XVe siècles. Il entend éclairer les vecteurs et les rouages de la diplomatie d'un grand prince de la seconde moitié du XIVe siècle, le duc de Bourgogne Philippe le Hardi (1363-1404). Fils, frère et oncle de rois de France, premier duc de Bourgogne de la maison de Valois (1363), doyen des pairs du royaume, il exerça une grande influence sur le gouvernement de la France. Cette domination, il l'établit non seulement grâce à ses qualités de stratège politique, mais aussi en maniant avec talent l'art de la négociation. Cependant, sur l'échiquier politique de son temps, la position de Philippe est ambiguë. Prince des lys et soutien indéfectible de la Couronne de France, il est aussi duc de Bourgogne, puis dirigeant des domaines qu'il tient de son épouse. Rassemblées sous la seule couronne ducale, ces terres conservent leurs particularismes. L'on peut se demander si, dans son action diplomatique, Philippe a agi comme principal étai du gouvernement royal français ou comme un grand féodal plus soucieux de ses intérêts et de ceux de ses États. En d'autres termes, le duc développa-t-il une diplomatie franco-bourguignonne ou choisit-il de dissocier, en cette matière, les intérêts de la France et les siens propres ?

modifié le 15/11/2023

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