Le théâtre de la censure



Cet essai de Renaud Adam (Unité de recherches Transitions) - paru aux presses de l'Académie royale de Belgique - porte sur la censure des livres et, plus spécifiquement, sur sa mise en scène. L’accès à certains écrits ou à des savoirs vérifiés demeure en effet l’un des défis majeurs auquel nos sociétés contemporaines sont confrontées.

Soucieux de comprendre des problématiques résolument contemporaines, l’historien se doit de porter un retour critique et perspectif sur les stratégies mobilisées, dans le passé, par les autorités pour contrôler l’accès au savoir et maîtriser la communication. Dans cet optique, il fut décidé se concentrer sur la période qui suit directement ce que l’on considère à juste titre comme l’une des plus importantes révolutions en matière médiatique : l’entrée dans l’ère typographique, inaugurée dans les années 1454-1455 avec l’invention de l’imprimerie par Gutenberg. On le sait, l’apparition de cette nouvelle technologie entraîna des bouleversements culturels, sociétaux et politiques considérables qui, mutatis mutandis, ne sont pas sans rappeler les mutations que nous connaissons depuis l’avènement de la société 2.0. Le propos sera ainsi centré sur le xvie siècle, qui connut l’un des plus grands épisodes « biblioclastes » de l’histoire européenne suite au schisme provoqué par Luther, et plus spécifiquement sur la situation des anciens Pays-Bas, berceau de personnalités emblématiques tels qu’Érasme, prince de l’humanisme, ou encore l’empereur Charles Quint, l’un des plus farouches opposants à la Réforme.

L’examen des mécanismes déployés par le pouvoir central pour encadrer la circulation de livres jugés hétérodoxes sera ainsi au cœur de cet ouvrage, avec une attention particulière à leur mise en scène par les autorités civiles et religieuses. Le premier chapitre, dédié à la politique répressive sous Charles Quint, débute avec les premiers autodafés luthériens pour se poursuivre avec une analyse de l’évolution de la législation mise en place pour éradiquer la production, la diffusion et la possession d’ouvrages séditieux. Le règne de Philippe II, au cours duquel se met progressivement en place une censure préventive, fait l’objet du deuxième chapitre ; l’occasion, ici, de revenir du même coup sur l’efficacité des mesures punitives élaborées au cours du xvie siècle et d’évaluer leur impact en termes de transmission des textes jusqu’à nos jours. Au fil des pages, se dessineront ainsi les contours de ce que nous appellerions volontiers le « théâtre de la censure » tel qu’il fut orchestré par le gouvernement habsbourgeois.

Les pistes explorées au cours de cet essai permettront, en guise de conclusion, de nourrir quelques réflexions sur l’état de la censure dans notre société depuis l’avènement de l’ère numérique. En effet, cette révolution a donné naissance à de nouvelles formes de censure qui opèrent en pleine lumière, parfois avec l’aide bienveillante d’États démocratiques pourtant censés les combattre. Elles ont leurs propres modes de fonctionnement et peuvent se révéler d’une violence ostentatoire sans égale. Cependant, le XXIe siècle a-t-il pour autant donné naissance à un nouveau « théâtre de la censure », tout aussi spectaculaire qu’au temps de Charles Quint et de Philippe II ? Une mise en perspective avec la situation du xvie siècle permettra ainsi d’apporter quelques éléments de réponses. Loin de verser dans un comparatisme historique simpliste, l’ambition est de se pencher sur la problématique de la censure au début de l’ère numérique à l’aune de la grille de lecture élaborée pour le xvie siècle.

L’exposé est donc construit en deux temps, en deux écritures : un récit historique à vocation synthétique suivi par un chapitre qui se propose de décoder les échos du passé pour éclairer notre compréhension du présent.

Couverture du livre 

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